L’open space a 70 ans ! Mais a-t-il encore de beaux jours devant lui ?

Par Julie le 23 avril 2019

Tendances Marque employeur Environnement travail Bien être travail
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70 ans ! “Déjà” ? diront certains. “Si peu” répondront les autres. L’open space est devenu la norme dans bon nombre d’entreprises, à tel point que beaucoup de salariés revendiquent l’avoir toujours connu. Mais malgré sa démocratisation, l’open space continue à faire débat au sein des entreprises. 
Entre optimisation de l’espace, renforcement de la communication et perte d’efficacité, les avantages et petits inconvénients de l’open space se disputent, et ce, d’autant plus quand on sait à quel point l’environnement de travail est aujourd’hui un facteur clé dans le bien-être des salariés.

De nouveaux modèles apparaissent même, reprenant, ou pas, les codes de l’open space parfois considéré comme démodé et surtout inefficace. Alors après 70 ans de bons et loyaux services, l’open space risque-t-il de devoir céder sa place à d’autres aménagements, sous couvert d’améliorer la fameuse QVT (Qualité de Vie au Travail) ? 


Retour sur la naissance de l’open space.

Venu tout droit des Etats-Unis, l’open space aurait fait sa première apparition au début du XXème siècle. C’est plus précisément dans les années 1950 que deux consultants allemands en organisation du travail, les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle lancent l’idée de bureaux ouverts. L’objectif étant d’accroître la productivité et l’efficacité des employés en favorisant la communication entre les collaborateurs. A l’époque, c’est une petite révolution dans le monde du travail qui ne connaît pas encore ce mode de fonctionnement collaboratif.

Au-delà de favoriser la communication entre les collaborateurs, l’open space permet aussi et surtout de gagner 30% d’espace de bureaux. Un argument de taille pour toutes les entreprises, et notamment les start-up, qui ont souvent peu de budget à allouer à leur bureau. 

Aujourd’hui, en France, moins de 20% des personnes travaillent dans un bureau ouvert de plus de quatre personnes. Si ce chiffre est largement supérieur aux Etats-Unis, il reste très élevé par rapport à nos amis du Nord, comme l’explique Marc Berthier dans son ouvrage Open Space : entre mythes et réalités.

Les Etats-Unis aujourd’hui ne sont pas considérés comme étant en avance sur les espaces de travail. Quand on fait un benchmark dans le monde, les pays qu’on regarde sont les pays du Nord, ce sont eux qui ont les réflexions les plus approfondies.

Dès les années 1990, les détracteurs de l’open space se sont manifestés. C’est par exemple le cas d’Apple qui, en 1993, a mis fin aux bureaux en open space à cause d’une augmentation croissante de l’absentéisme des employés. Marc Berthier l’explique :

Dans certaines conditions, travailler dans un open space, c’est l’enfer. Ça devient un panoptique où tout le monde se contrôle, et c’est la guerre.

Selon lui, un open space ne peut fonctionner que s’il existe des espaces fermés, permettant de se mettre dans une bulle pour s’isoler et se concentrer, et d’autres pour travailler ensemble. 
La volonté des entreprises de réduire leurs dépenses de ­fonctionnement a conduit à la généralisation des open spaces qui a lui même posé la question du bien-être au travail et de l’importance de travailler dans un environnement agréable et sans (trop) de nuisances.


L’environnement de travail : le nouveau facteur clé de succès.

Nous en parlions dans cet article, l’environnement de travail, et par extension l’aménagement des bureaux, est devenu un élément essentiel dans la Qualité de Vie au Travail. Les bureaux doivent contribuer au fait que les collaborateurs soient heureux de venir travailler chaque jour. Au-delà du bonheur généré, cela aurait aussi un impact direct sur la productivité. Luminosité, décoration, possibilité de rangement, présence de plantes vertes… auraient un effet direct sur notre capacité de concentration et donc notre efficacité.

Aussi, selon le baromètre de la qualité de vie au travail, 57% des salariés préfèrent travailler sur un poste de travail dans un bureau individuel fermé. De plus, pour ceux qui préfèrent l’open space (soit 29% des interrogés) ils sont de cet avis si celui-ci dispose de “bulles de confidentialité” et de salles de réunions proches et en libre accès.
 

L’open space a 70 ans ! Mais a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Source : observatoire Actineo

Toujours selon le baromètre de l’observatoire Actineo, l’espace de travail doit avant tout améliorer le travail d’équipe et la collaboration (à 48%) mais aussi encourager et améliorer la créativité (33%). Or, les bureaux en open space ont parfois tendance à tous se ressembler et n’encourage pas forcément les êtres créatifs.

 L’open space a 70 ans ! Mais a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Source : observatoire Actineo

 

Pourquoi tant de succès pour l’open space ?

D’abord car il est censé faciliter les échanges entre les collaborateurs. Certains diront aussi que le bureau fermé peut créer de la solitude et empêcher l’esprit d’équipe d’être largement diffusé. Il crée en effet une synergie et rend la circulation de l’information plus fluide. Le co-fondateur de Twitter, Jack Dorsey va encore plus loin en expliquant :

Nous encourageons les gens à travailler en open-space parce que nous croyons en la sérendipité. Nous voulons que les gens se croisent et s’enseignent de nouvelles choses les uns les autres. 

L’open space permet également de limiter les déplacements car il permet de réunir toute l’équipe projet dans un espace dédié et de pouvoir poser ses questions à qui de droit sans bouger de sa chaise.

L’open space aurait aussi tendance à casser la logique de hiérarchie. En effet, accorder un bureau fermé implique forcément que certains collaborateurs sont privilégiés par rapport à d’autres, à moins que tout le monde ait son bureau fermé.

L’espace de travail collaboratif aurait ainsi pour vocation de faire régner une forme d’égalité. En open space, nous nous retrouvons tous dans le même bateau, et nous faisons face de façon égalitaire à tous les petits désagréments de la vie de bureau.

L’open space a également pour avantage d’être modulable. Cela séduit les managers qui doivent parfois faire face à une forte croissance de l’activité se traduisant par de nombreux recrutements. L’open space peut alors être repensé facilement pour accueillir de nouvelles équipes ou des renforts sans avoir à pousser les murs. Il permet également de déplacer plus facilement des collaborateurs, pour le bien des projets.

Enfin, on ne va se mentir, l’open space garde malgré tout une image “cool” et est donc un atout pour le recrutement et la marque employeur. Il sous-entend en effet que la direction est sensible au bien-être des salariés et qu’il y règne une bonne cohésion d’équipe. 

Une réalité bien éloignée de la théorie ?

Malgré tous les avantages cités ci-dessus, la réalité est un peu différente dans la pratique. En effet, bon nombre de salariés y travaillant ont tendance à remonter de nombreux petits désagréments.
Le bruit est celui qui revient le plus souvent et il aurait même un effet tout à fait contraire à celui souhaité puisqu’il ferait chuter la productivité. En effet 4 collaborateurs sur 5 travaillant en open space considèrent que le bruit les empêche de se concentrer. Les principales sources de bruit viendraient de collègues trop bruyants, d’une mauvaise acoustique des bureaux ou encore d’appels téléphoniques passés au sein même de l’open space. 

L’open space a 70 ans ! Mais a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Source : kollori.com 

L’étude démontre également que les personnes travaillant en open space seraient moins satisfaites que celles travaillant dans un bureau individuel : 67% des salariés travaillant en open space sont satisfaits de leur espace de travail contre 88% en bureau individuel. Selon les observations de David Rock, auteur de Votre Cerveau au bureau, celui-ci serait interrompu toutes les 11 minutes dans un open space. Or, il lui faut 23 minutes pour se recentrer sur la tâche qu’il était en train de réaliser. À terme, ce manque de concentration peut être source de tension mais surtout de stress.

Au-delà du bruit, certains salariés déplorent le manque d’intimité, accompagné du sentiment d’être épié par ses collègues de bureau. En effet, tous nos faits et gestes sont visibles par nos collègues les plus proches et il est facile d’observer ce que les autres font et s’ils ne sont pas en train de passer leur temps sur les réseaux sociaux. On reprocherait même à l’open space d’être un moyen de contrôler ses équipes. Or, cela va complètement à l’encontre des attentes des salariés aujourd’hui qui souhaitent plus de liberté et d’autonomie, notamment en termes d’horaires et d’organisation du temps de travail. Le manque d’intimité aurait aussi tendance à faire ressortir un comportement des plus naturels et humain : celui de s’isoler socialement et donc d’interagir davantage par mail et par chat plutôt qu’en se déplaçant pour aller parler directement avec un collègue. (selon une étude Harvard publiée sur inc.com reprise par les Echos.)

L’autre problème de l’open space est également le manque de personnalisation possible. Tous les bureaux ont tendance à se ressembler et on a parfois l’impression d’être dans un atelier de couture clandestin. Pourtant, certaines entreprises parviennent à proposer des espaces poussant à l’inspiration et à la créativité. C’est le cas de Google qui reste le champion en matière d’aménagement des bureaux à travers le monde.

Ainsi, si les avantages de l’open space paraissent nombreux, nombreux sont aussi ceux qui en reviennent et osent même l’accuser de réduire l’efficacité et la productivité plus qu’il ne l’encourage.

De l’open space au flex office ?

L’open space n’aurait pourtant pas dit son dernier mot. En effet, mêmes les nouvelles formes de travail impliquent des espaces ouverts et collaboratifs. En témoigne l’attrait pour les espaces de co-working qui permettent de “voir du monde” et de travailler dans un environnement “collectif”. Aujourd’hui, même si les nouvelles technologies nous permettent de travailler d’à peu près n’importe où et que le télétravail tend à se démocratiser, nous avons besoin de relations sociales pour passer une bonne journée. Et ce, même si les collègues de bureau peuvent avoir tendance à nous agacer à trop parler de leurs enfants ou à régler leurs problèmes de plomberie en plein open space… Car oui, il faut l’avouer, nous avons parfois besoin de leur présence !

Le flex office, quand à lui, va encore plus loin dans la déconstruction de l’environnement de travail car il gomme totalement la notion d’espace personnel. Plus aucun bureau n’est attribué et chaque collaborateur s’installe là où il le souhaite en arrivant. Il pousse à son paroxysme la logique de l’innovation (en faisant travailler ensemble des collaborateurs) mais aussi celle de la mobilité et du nomadisme. Ici, on supprime totalement la notion d’espace personnel pour laisser place à celle de liberté dans le travail. Mais ne fait-elle pas passer la collectivité et la réussite des projets avant le bien-être de l’individu ?

Les nouvelles génération semblent quant à elles moins enclines à l’open space, qui ne les fait plus vraiment rêver. En effet, selon un sondage de l’ESSEC réalisé en 2018, 83 % des jeunes diplômés ne rêvent pas d’open-space ou de coworking, mais insistent sur l’importance d’avoir un bureau attitré. L’open space va-t-il disparaître en même temps que l’arrivée de la nouvelle génération aux postes de managers ?

L’open space a 70 ans ! Mais a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Source : essec 

L’open space a été pensé pour répondre à tout un tas de problématiques liés au travail : manque de communication entre les collaborateurs, problème pour faire circuler l’information, manque de place… Mais ces problématiques peuvent-elles réellement être résolues par l’aménagement des bureaux ? N’est-ce pas un problème davantage lié aux méthodes de management ? En effet, un grand groupe qui voudrait avoir “l’esprit start-up” le pourrait-il uniquement en plaçant ses collaborateurs dans un open space ? Il est évident que non et qu’il devra aussi et surtout mettre en place un management plus proche des équipes et visant à faire évoluer les salariés, par exemple en mettant en place des plans de formations et des suivis réguliers mais aussi en leur donnant plus d’autonomie et de pouvoir.

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