Positivité toxique : les dérives du bonheur à tout prix dans la vie professionnelle

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Aujourd’hui, au travail comme dans la vie, on tombe facilement sous le diktat du bonheur à tout prix. Bien-être, épanouissement, positivité à toute épreuve… Si cela est attirant sur le papier, la positivité peut vite devenir toxique lorsqu’on ne remplit pas toutes cases qui nous destinent au bonheur. Et cette tendance est de plus en plus présente au travail. Qu’est-ce que la positivité toxique ? Quelles en sont les conséquences néfastes sur le bien-être des salariés ? Comment surmonter cette pression du bonheur à tout prix ? On fait le point.

 

Qu’est-ce que la positivité toxique ? 

Dans le monde actuel, on est constamment soumis à l’injonction du bonheur et de la positivité. À commencer par le contenu que l’on consomme sur les réseaux sociaux, à l’instar d’Instagram ou de TikTok. En effet, les vidéos et photos accompagnées de citations motivantes pullulent sur ces plateformes : “sois positif et tu attireras le positif”, “aime-toi et les autres t’aimeront”, “tout va bien aller”, “concentre-toi sur le positif”, etc. Autant d’affirmations à première vue motivantes, et pourtant profondément néfastes pour les personnes qui ne s’y soumettent pas. 

Déjà, cette positivité nie la douleur potentielle et les expériences traumatisantes de chacun. De plus, elle rend coupable la personne de son propre malheur, dans le sens où elle serait elle-même responsable de ses émotions négatives. Pourtant, les expériences négatives et l’expression de la douleur font partie intégrante de l’expérience humaine, et les refouler peut être extrêmement toxique. 

Un autre biais de la positivité à tout prix, réside dans l’invalidation des émotions. En effet, quand une personne exprime ce qu’elle ressent, que ce soit positif ou négatif, c’est une façon de valider ses émotions, de les faire exister dans la réalité. À l’inverse, on parle d’invalidation émotionnelle dès lors que ces ressentis sont ignorés, niés, critiqués par une tierce personne. Et les effets de l’invalidation émotionnelle peuvent être dévastateurs pour la personne qui en fait l’expérience. À ce propos, les études scientifiques montrent leur effet pervers sur la santé mentale avec une augmentation des symptômes dépressifs. 

 

source 

Si l’on peut-être nous-même à l’origine du déni de nos émotions, il faut savoir qu’il est bien souvent influencé par les personnes qui nous entourent (amis, famille, collègues de travail…). C’est ce que démontrent les psychologues et chercheurs américains Robert L. Leahy, Dennis Tirch et Poonam S. Melwani dans leur étude « Processes underlying depression : Risk aversion, emotional schemas, and psychological flexibility ». À travers différents exemples, et notamment celui de la rupture amoureuse, ils ont su montrer qu’une personne qui peut exprimer ses sentiments qui seront validés par son entourage, normalise ses émotions négatives qui ne dureront pas éternellement. À l’inverse, une personne qui craint de perdre le contrôle de ses émotions et qui n’est pas écouté par son entourage (ou que ce dernier invalide ses ressentis) peut s’enfoncer dans un état d’anxiété qui peut conduire à la dépression. On voit bien à travers ces exemples que les stratégies d’évitement sont bien souvent amplifiées par les personnes qui nous entourent. 

Vous l’aurez compris, si le bien-être à tout prix peut faire rêver, être tout le temps positif est loin d’être idéal pour votre psyché. Et l’expression de nos émotions négatives est essentielle à notre bon développement cognitif et au véritable bonheur finalement. 

 

Comment s’exprime la positivité au travail ? 

Si la positivité toxique est palpable partout de nos jours, et tout particulièrement visible sur les réseaux sociaux, elle est aussi présente au travail. Et ses dérives sont bien particulières dès lors qu’elles touchent à la vie professionnelle. 

Bien évidemment, les conditions de travail sont plus agréables lorsque l’on est entouré de personnes positives, aussi bien au niveau de nos collègues que du management. Et tout le monde s’accorde sur les bienfaits d’un mindset positif au bureau. Pourtant, personne ne peut se vanter d’être positif en toutes circonstances. Si c’est le cas, il est fort possible que vous soyez dans une situation de positivité toxique. Voici un petit palmarès des phrases à priori bienveillantes qui dissimulent souvent de la positivité toxique.

 

"Focus sur le positif” 

Comme expliqué dans notre définition de la positivité toxique, l’expression et l’acceptation des émotions négatives sont essentielles au bien-être psychique de l’individu. Dès lors, demander à un collègue de se concentrer uniquement sur le positif entre dans la catégorie de l’invalidation des émotions. Ce qui recouvre un comportement purement toxique. 

Alors oui, bien sûr, il peut nous arriver de faire une montagne d’un petit évènement, et votre collègue ou manager tente de vous montrer la situation sous un autre angle, plus positif. Cela ne part pas forcément d’une mauvaise intention ! Mais personne ne peut renier votre expérience personnelle et votre ressenti propre par rapport à cette situation. Avant d’accuser votre collaborateur de toxicité, commencez par lui expliquer simplement en quoi cette situation vous dérange, et montrez que vous exprimez votre mécontentement dans une démarche constructive ;) 

 

“Regarde, lui il n’a pas réagi comme ça”

Il est humain de vouloir comparer une situation à une autre connue. Et c’est encore une fois sans mauvaise intention que votre collègue vous a dit cette phrase… Pourtant, comme l’exemple précédent, celui-ci tend à nier les sentiments de la personne qui les vis. 

Bien qu’ils visent à relativiser une situation, ces mots ont le pouvoir de faire culpabiliser la personne qui vit des émotions négatives, puisqu’un autre n’aurait pas réagi de la même façon face à un évènement similaire. On se rapproche alors de la positivité toxique, dès lors que la personne impliquée ne se sent pas légitime dans ses ressentis. Chaque personne est unique, et vit ses émotions avec les ressources qui lui sont propres. Ce n’est pas parce qu’untel n’a pas réagi ou qu’un autre a mis plusieurs mois à se remettre d’un traumatisme que c’est le cas pour vous ! Alors ne prenez pas au mot ces répliques… 

 

“Détends-toi, ça ira mieux” 

Dans les entreprises, on note également cette culture du bonheur à tout prix qui se développe. Cette tendance s’illustre notamment par le développement de nouveaux métiers, comme les happiness managers qui sont de plus en plus demandés par les entreprises. Et cela apporte beaucoup de positif, avec des conditions de travail améliorées pour les salariés. 

Pourtant, comme pour chaque avancée positive, il ne faut pas oublier l’envers du décor. Et les conséquences de ce bonheur au travail peuvent être toxiques. De nombreuses personnes se sentent obligées de taire leurs émotions au travail, de peur de passer pour le rabat-joie de service. Encore une fois, nier les émotions de l’autre ou les siennes n’est pas une stratégie souhaitable pour le bien-être des équipes ! 

Alors oui, on le sait, un coup de stress ou un mal-être lié à un événement particulier est par définition passager et il finit par passer. Si votre collègue ou manager vous le rappelle, c’est pour votre bien. Mais n’oubliez pas non plus que vous pouvez légitimement souffrir d’une situation, même de manière éphémère. Alors vivez vos émotions pour ne pas les laisser bouillonner au fond de vous ! 

 

“Ca pourrait être pire”

Là encore, si vous avez entendu cette phrase dans votre entourage professionnel, ce n’était sûrement pas pour vous faire culpabiliser, mais plutôt pour vous aider à relativiser une situation. Pourtant, les effets sur la personne en souffrance peuvent être néfastes. Bien évidemment, si l’on se penche sur les situations vécues par chacun, il y a TOUJOURS pire. Cela peut s’appliquer à n’importe quelle sphère de votre vie, privée ou bien professionnelle. Ce n’est pas pour autant que les expériences propres à chacun doivent être invalidées. De la même façon, quand quelqu’un est heureux ou vit quelque chose de positif, on ne lui dit pas “ça pourrait être mieux” ou bien “il y a plus heureux ailleurs”. Alors pourquoi la réciproque devrait-elle être acceptée ? 

Vous avez désormais compris comment la positivité toxique pouvait exister au quotidien dans l’entreprise, à travers des phrases à première vue banales et bien souvent dénuées de mauvaises intentions. D’ailleurs, si vous y regardez de plus près, vous vous rendrez compte que ces phrases reposent sur des éléments prouvés de psychologie positive, mais ôtés de tout contexte, pris seuls, ils deviennent ce qu’on appelle de la positivité toxique. Attention alors à ce que vous dites à vos collègues, surtout lorsqu’ils sont en position de difficulté. Et à l’inverse, apprenez à reconnaître la positivité toxique pour ne pas vous laisser atteindre par elle. 

 

Comment se défaire de l’injonction au bonheur ? 

Maintenant que vous êtes familier avec la notion de positivité toxique et que vous savez la reconnaître dans votre environnement professionnel, il vous faut connaître les clés pour vous en prémunir. 

 

Faire un travail de développement personnel 

Pour ne pas vous laisser atteindre par la positivité toxique dans votre vie professionnelle, vous devez déjà faire un petit travail sur vous-même. Pour cela, il est nécessaire de comprendre que le bonheur n’est pas l’absence de malheur. Bien au contraire ! Vous sentiriez vous heureux si vous ne pouvez pas mettre vos expériences positives en opposition avec votre vécu parfois douloureux ? C’est en acceptant la part de négatif de la vie qu’on peut réellement apprécier les moments de bonheur. 

Dès lors, il sera beaucoup plus facile pour vous de vous défaire de l’injonction au bonheur à tout prix. Vous prendrez avec beaucoup plus de recul les citations des gourous d’instagram et de votre collègue toujours au top ! En effet, pour développer une vraie pensée positive, il faut savoir accepter les épisodes plus sombres afin d’en faire un moteur pour avancer. Vous l’aurez compris, accepter vos propres émotions est la clé d’une positivité saine. 

 

En parler avec les personnes concernées

Une fois que vous avez appris à accepter vos émotions, il faut également apprendre à les exprimer. Non seulement à vos proches, mais également dans le cadre de votre travail. Sans forcément aller pleurer sur le bureau de votre manager à chaque contrariété, il est possible d’en parler sereinement à vos collaborateurs. Si lorsque vous le faites, ils vous répondent par l’une des phrases ci-dessus, n’hésitez pas à leur faire savoir que vous sentez vous émotions niées et que vous avez besoin de les exprimer pour passer plus rapidement à autre chose. En effet, tout ce que vous dites avec gentillesse et sincérité ne peut être que bien reçu par votre interlocuteur. 

En revanche, si malgré vos tentatives pour communiquer, votre entourage professionnel n’est pas réceptif et vous oblige à sourire en toutes circonstances, il est peut-être temps d’envisager leur caractère profondément toxique ? Mettez en œuvre des actions afin d’éviter le burn-out. Après tout, il n'est jamais trop tard pour changer de vie :)

Si vous n’étiez pas familier avec le concept de positivité toxique, vous en connaissez désormais les tenants et les aboutissants. Maintenant que vous savez l’identifier, vous pourrez mettre en œuvre des actions personnelles et sociales pour vous en prémunir. Bonne chance :)

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